J'ai rencontré Madi, le mois dernier traverse de l'ouragan (presque, en fait c'est la rue à coté mais c'est bien plus dégaine pour l'accroche du lecteur).
Dans la voiture de location, fauteuil conducteur basculé en arrière, j'écoute le décrochage de France inter sur RFO. Sur cette "petite corniche", je profite en plein de l'Alizé qui souffle tous les jours en hiver. Les filles trainent au centre aéré. Valérie me sonnera bientôt afin que je passe la prendre au dispensaire de Pamandzi. Je n'ai toujours pas trouvé de maison. La veille, j'étais même passé à la radio !
Ce soir, encore, nous quitterons Petite Terre sur la barge pour l'épuisante Mamoudzou sur les hauteurs de laquelle nous sommes hébergés provisoirement par l'hôpital.
A 10 mètre, sous cet arbre, un type d'ici, rêvasse lui aussi, l'air désoeuvré. Et si j'allais lui parler de mes problèmes de logement ? Il doit habiter le quartier, si un mzungu (blanc) quitte bientôt sa maison dans le coin, il me l'apprendrait avant qu'un flic de la PAF ou un prof ne nous prenne une nouvelle fois de vitesse.
Alors j'y vais ou pas ?
Finalement, c'est lui qui vient à moi, c'est une première. Il est maigre, la cinquantaine, couvert d'un chapeau de prière et d'une chemise trop large.
Je me méfie quand même.
Il est cuisinier, il travaillait depuis deux ans pour un gendarme dont le contrat est arrivé à son terme. N'aurais-je pas de travail pour lui ?
Il sait tout faire :
Si j'ai des amis, il cuisinera un excellent repas aux saveurs locales.
Si j'ai des enfants, il a une femme qui peut s'en charger.
Il fait du ménage aussi.
Son français n'est pas excellent mais ici, il est plutôt de bonne qualité, ce qui accrédite ses expériences chez des blancs. Je sens qu'il prend sur lui pour se vendre.
Ca me touche, je me détend.
Non, je n'ai pas de travail pour lui...Nous n'avons pas pour habitude d'avoir du personnel de maison ! D'ailleurs, nous n'avons pas de maison !
Pas de maison ! Il en connait une lui qui se libère demain ou après demain ! 2 ou 3 chambres avec la climatisation.
Avec un jardin ?
Avec un jardin !
Il me demande un numéro de téléphone, j'ai de petites affichettes dans la boîte à gants ("cherche maison sur petite terre......").
Il s'appelle Madi. Je m'appelle Jean-philippe. On se sert le main. Il ne traine pas car il préfère attendre la propriétaire sur place.
Le lendemain, on rencontrait Mariam, la propriétaire.
Dix jours plus tard, Nous avons emménagé.
Le jardin n'en n'était pas un mais plutôt un terrain vague.
Madi travaille tous les jours, d'arrache-pied, quelques heures dans un nuage de poussière autour de la maison. Sans boire, c'est Ramadan. Sa détermination nous a gêné au début, on s'est même inquiété un peu pour sa santé.
Le résultat est probant, il a un savoir-faire indéniable.
Ses mains n'ont pas résisté, cette semaine, les pierres attendront, il doit cicatriser. Il passe tous les jours. Hier avec des pots de fleurs récupérés chez un mzungu rentré en métropole. Avant hier, avec un barbecue et des citrons trop murs.
Nous sommes bien d'accord, ce n'est pas un CDI, mais juste un pige chez nous, un renvoi d'ascenseur d'autant que notre loyer n'est pas très élevé.
Il est sympa Madi, il sait s'y prendre avec les mzungus. Je crois même qu'il nous aime bien. Depuis quelques temps, il parle plus, nous conseille, me demande quelques services (essentiellement des transports de trucs récupérés à droite ou à gauche avec le berlingo).
Dommage quand même habiter traverse de l'ouragan sur Petite Terre, ça avait de la gueule.
La plaque de rue est une espèce rare ici. Pour connaitre avec certitude son adresse, il faut s'adresser au facteur.
Nous habitons désormais, 1A Rue Georges Pompidou 97615 Pamandzi...